JEAN TEXTES LIBRES
Le printemps
Dès le jour levé, au petit matin, nous arrive au fond du jardin : un bruit, une nouvelle, une rumeur, que dis-je une clameur.
Dans robe fauve à peine dissimulée la Passerinette peut en témoigner.
Que dit le rouge gorge, fier de son plastron coloré ?
Que dit la bergeronnette sur ses échasses montée ?
Oui le printemps est là, mais alors !
Faut-il pour cela modifier le décor ?
Oui, disent en chœur ces joyeux lurons.
L’hiver pour nous est un rude compagnon.
Soit, mais que nous vaut tout ce tapage ?
Tapage dites-vous ! Quel dommage !
Ma dit en passant le merle rieur.
Cette journée pour nous, n’est que du bonheur.
Ne savez vous pas que Rossignol est annoncé ?
C’est lui le prince, le messager.
Il arrive de ces pays lointains.
Sa besace est pleine de joyeux refrains.
Ses trilles et ses roulades à nul autre pareilles.
Sur la lune de mai, quelle merveille !
Bien la scène est plantée, à quand le concert ?
Amis, toutes les nuits, par temps clair, il te suffit le soir venu d’ouvrir la fenêtre, tu ne seras pas déçu.
Rossignol est là, le printemps aussi, profitons en, profitons de la vie.
***
Le mouchoir
Le mouchoir, quelle histoire
J’en ai vu plus d’un
Perdus sur un quai de gare
Dans le froid du petit matin
*
Derniers sanglots, dernier lien
Avec l’aimé qui disparaît au loin
Emporté par ce train
Qui ignore c’est certain
*
Tous les serments d’amour
Les rengaines, les refrains
Les « je t’aime », les toujours
Le train n’aime rien
*
Le mouchoir savez-vous
N’est pas que l’accessoire
Que l’on promène partout
Il suffit pour y croire
*
De relire avec attention
Quelques pages de notre histoire
Celle des Rois, celle de la nation
Celle des hommes de pouvoir
*
Sans mouchoir, on peut dire
Que Mars dans sa colère divine
Aurait pu être pire
Sans la belle Joséphine
*
Qui sut justement
Laisser choir son mouchoir là
Au bon endroit, au bon moment
Dans les pas d’un artilleur qui demandait que ça
Le mouchoir est aussi
Au plus fort de la mitraille
Quand le combattant survit
La peur au fond des entrailles
*
Quand le canon tarde
À se faire entendre ailleurs
Quand les centurions comme à la parade
Tombent sous le feu ravageur
*
Le seul espoir est que peut-être
Dans ce déluge étourdissant
Un espoir peut-il naitre
D’un petit mouchoir, d’un carré blanc
*
Voyez, parfois, pour épargner des vies
Pour arrêter cette tuerie
Un petit mouchoir suffit
Accroché seulement au canon d’un fusil
*
Le mouchoir qu’il soit
De coton ou brodé
De baptiste ou de soie
Il ne faut pas l’oublier
*
Mais le mouchoir, quelle histoire !
***
La mer
Alors la mer, ou danse
Drôle de jour la mer
Ce bal est un enfer
Quoiqu’ pense
Ton ressac impétueux
Martèle sans arrêt
Dans un ballet envieux
Les flancs du parapet
La grève n’arrive plus
Dans ce ballet sans fin
Dans ce tohu-bohu
A avoir l’air serein
Alors la mer on danse…
Si j’étais marin
Dans ces moments de délire
Être bagnard ou bredin
Est préférable que subir
Sur un rafiot trop vieux
Les assauts furibonds
Des éléments entre eux
Posons nous la question
Alors la mer on danse …
Neptune et Poséidon
La belle affaire
Le choix sera bon
Laissons les Dieux à leurs chimères
Car enfin devons nous
Comme Agamemnon le fit
Se mettre à genoux
Commettre l’irréparable
Alors la mer on danse…
Non dites moi
Refusons la punition
Non il ne faut pas
Le tsunami est une abomination
Une catastrophe, une désolation
Le mercure et le plomb pourtant
Braves gens, arrêtons
N’a rien à faire au fond de l’Océan
Alors la mer on danse…
***
Feuilles mortes
La légère feuille qui ose
Sans ambages se poser
Devant la rose à peine éclose
Puis se laisse à nouveau porter
Au gré du vent déci delà
Laissant admirer
L’élégance de ses entrechats
Puis à nouveau s’élance
Les petites feuilles ne meurent pas
Dès la fin de l’été
Avant les grands froids
En ribambelles vous les verrez
Par delà les sentiers
Se presser, se bousculer
Et disparaître aux premières gelées
Elles s’en vont c’est certain
Vers un pays lointain, secret
Plein de fées et de magiciens
Le temps de se refaire une beauté
Faire le plein de sève nouvelle
Qui fera d’elles
Les stars de la canopée.
***